À Propos de l'Accompagnement PSY
Il ressort du travail de groupes de Psychologues (ANPEC) :
Accompagner, pour un Psychologue, c’est comme y incite l’étymologie cheminer avec. Quel type de cheminement ? Celui qui permet une expression de soi, qui se donne le temps et les moyens de faire advenir dans un individu la parole d’un sujet : extérioriser la façon dont on vit une situation, dans ses émotions et ses affects ; favoriser l’autorisation de dire et se dire, de s’entendre dire ; faire accéder au sens ce que l’on vit, en aidant par une prise de distance, un écart, une décentration, à une lecture, une auto-interprétation de sa vie personnelle ; sortir de sa solitude par un étayage d’écoute d’une neutralité bienveillante. Une écoute sensible à la parole mais aussi aux silences, aux lapsi, aux blocages, aux refus.
Comment ? À travers une posture d’accueil et de disponibilité qui établit un climat de sécurité et de confiance, à partir d’un cadre structurant et contenant, qui donne à l’autre une place, libère un potentiel pour l’inconscient, pour le sujet de l’inconscient. Comme personne-ressource qui, dans son être-là, manifeste une attention soutenue mais une présence discrète, qui incite sans pour autant faire intrusion, dans une vacance du pouvoir non sans contre-transfert, mais qui refuse la position de maître supposé savoir. Posture d’ouverture, qui se synchronise avec l’autre dans le temps (question de rythme) et l’espace (miroir physique en face à face), à bonne distance cependant pour se protéger, ne pas confusionner, car au corps réel fait écho le corps « imaginarisé ». Cheminer sans être directif, mais non sans direction : accompagner un sujet jusqu’où il peut et veut aller dans l’élucidation de ce qu’il en est de son rapport à l’Autre.
Mais qu’est-ce qu’accompagner en tant que psychologue un groupe ? Et quelle différence avec accompagner quelqu’un dans un entretien individuel, ou une pratique duelle ?
C’est mettre en place une organisation plus complexe en amont (disponibilité de plusieurs dans une unité de temps et de lieu ; organisation d’un espace circulaire avec ou sans table, où chacun a physiquement une (sa) place). Un cadre contenant avec des objectifs annoncés et des règles plus explicites, maintenues durant le travail, concernant tant la méthode proposée que l’éthique de l’accompagnement (s’autoriser à dire suppose confidentialité des participants et non jugement d’un exposant qui s’expose, et donc doit être protégé).
Il s’agit de faire circuler la parole, de ne pas fournir soi-même de solution, et de donner à chacun une place, une juste place. De s’appuyer sur la dynamique des interactions pour réverbérer des échos. De réguler les tentations permanentes de jugements ou de conseils (« Si l’autre se met à ma place, où je me mets ? » Lacan), et les conflits de pouvoir. De gérer l’hétérogénéité des demandes singulières (chacun compte pour un), mais aussi des non-demandes (présence contrainte), qui peuvent faire obstacle à l’implication personnelle. D’articuler la parole de sujets singuliers, à parité dans le dépouillement de leur rôle social, avec leur statut (celui-ci pouvant être hiérarchiquement bloquant par les différences de poids de parole), et leur fonction (qui par l’exercice d’autres tâches professionnelles peut être une ressource par la diversité des regards).
Remanier partiellement son identité ?
Cette identité de psychologue colle-t-elle avec celle d’un animateur de groupe d’accompagnement à la connaissance de soi ?
Le cœur du métier de psychologue clinicien est d’écouter en entretien singulier le vécu affectif d’un sujet qui est celui de l’inconscient, et tout particulièrement sa souffrance ; il ne travaille guère sur et avec la raison ; il s’intéresse à la personne globale, et non à son statut social : à l’enfant ou à l’adolescent plus qu’à l’élève, à l’enseignant comme personne au-delà de sa fonction ; il est dans une relation d’aide toujours à la frontière du soin (care, prendre soin), ou en son cœur.
Mots clefs : accueil, écoute, sujet, personne, vécu, émotion, inconscient, souffrance, aide, soin.
Il y aura donc une spécificité du psychologue animateur de groupes et cependant des éléments communs dans l’entretien duel et l’animation de groupes : on y facilite par exemple l’expression et le respect de la parole de sujets. Mais il y a aussi des différences : les participants qui entendent dans un groupe la parole d’un sujet ne sont pas formés à une posture et une écoute psychologique. Cette parole peut produire sur eux des effets non analysés, comme ils peuvent réagir de façon non constructive. Que faire alors, comment réguler ? Les participants ont aussi des représentations d’un psychologue : quelle que soit l’intention de celui-ci de ne pas juger, certains vont développer une peur d’être « interprété » par ce sujet supposé les connaître et publiquement les dévoiler : que faire de ces représentations ? Qu’en est-il du transfert et du contre transfert dans un groupe, où l’on est confronté à la pluralité et non à une seule singularité ? Comment gérer les interactions dans la dynamique d’un groupe, lorsqu’elle est conflictuelle ou semble mortifère.
Pourtant le groupe est riche de potentialités : il peut jouer un rôle d’étayage au même titre que le psychologue, dans ses interactions, dans le croisement des regards et des référents théoriques de ses acteurs.
Le psychologue-animateur n’est donc pas seul dans le groupe pour prendre en charge ; il peut s’étayer du groupe lui-même, et lâcher, comme il sait lâcher son fantasme de maîtrise dans l’entretien. Là aussi le cadre semble déterminant comme contenant, et une méthode d’analyse des pratiques, dans ses exigences éthiques et méthodologiques, peut sécuriser le groupe (…et son animateur), et l’amener à travailler.
Travailler l'Accompagnement PSY c’est accompagner les personnes à s’accompagner elles-mêmes face à l’évolution difficile et incertaine de leur vie. C’est aussi les faire travailler en groupe, à un moment où l’individualisme peut ruiner les solidarités humaines.
Or le groupe est socialisateur, il apprend à vivre ensemble : on peut y apprendre à écouter l’autre, le comprendre, et l’étayer ; on peut aussi y apprendre à parler, s’entendre et être entendu, et pas seulement par un spécialiste payé pour ce travail.
A l’heure où l’on peut faire jouer à l’entretien individuel le rôle de renarcissation d’individus blessés par les formes d’organisation économique et sociale actuelles – ce qui évite la critique sociale du système à l’origine de ces blessures, en individualisant et psychologisant les solutions –, il est peut-être utile que des psychologues s’investissent dans l’animation de groupes qui développent des habitus de socialisation démocratique des individus et des groupes. Ce peut être une dimension politique du travail de psychologue.