L’état d’esprit

Nous souffrons et nous voulons une explication à cette Souffrance ; nous avons le sentiment que si nous ne cherchons pas, que si nous n'essayons pas de découvrir la signification de l'existence, nous ne progresserons pas et n'obtiendrons pas la sagesse. Donc nous faisons constamment un effort pour comprendre, et dans cet effort pour comprendre nous érigeons, consciemment ou inconsciemment, un but vers lequel nous éperonnons. Nous établissons un but, l'idéal d'une vie parfaite, et nous essayons d'être fidèle à ce but, à cette fin. Nous érigeons un but consciemment ou inconsciemment, une raison d'être, un principe ou une croyance et, l'ayant établi, nous essayons de lui être sincère ; nous essayons d'être loyal envers une expérience. Par ce processus, nous établissons une dualité dans l'action, dans la pensée et dans le sentiment, et de cette dualité surgit un nouveau problème que nous nous empressons de résoudre par les mêmes procédés.

Nous voulons la certitude. Nous érigeons en autorité ceux qui nous offrent une certaine sécurité ; et nous les adorons en tant qu'autorité parce que nous cherchons nous-mêmes une certitude à laquelle notre Esprit puisse s'accrocher, dans laquelle il puisse se sentir à l'abri de tout danger. Si nous considérons de plus près cette situation, nous verrons que la plupart du temps nous cherchons une certitude (la certitude de la connaissance, la certitude d’un but, la certitude de la vérité, la certitude d'une idée), afin de pouvoir agir en possédant cette certitude, et choisir grâce à cette certitude. Nous sommes constamment occupés à récolter des connaissances, à accumuler des expériences, à rechercher différentes sortes de bénéfice, à recourir à des autorités qui nous donneront la sécurité et le confort, à lutter en vue de développer notre caractère et notre personnalité.
Par toutes ces tentatives d'accumulation nous espérons obtenir l'assurance d'une certitude ; d'une certitude qui dissipe tous les doutes et les angoisses ; une certitude qui nous donne (du moins espérons-nous) une sûreté de choix. Ainsi, dans la recherche de la certitude, naît la peur du gain en même temps que la peur de la perte. Nous transformons ainsi la vie en une école où nous apprenons tout simplement à être certains. Une école où nous apprenons, non pas à vivre, mais à être certain.

Bien que nous nous retranchions derrière les sécurités de l’expérience, de la vertu, de l'amour, de la possession, du savoir, bien que nous construisions de nombreuses certitudes, nous ne faisons que construire sur du sable, car les vagues de la vie déferlent constamment sur nos fondations et mettent à jour les structures que nous avons si soigneusement et si insidieusement construites. Les situations arrivent, les unes après les autres, qui détruisent toute connaissance précédente, toute certitude précédente ; et toutes nos sécurités sont balayées, éparpillées comme du sable au vent.
Bien que nous puissions penser être à l'abri, nous vivons dans la peur continuelle de la mort, dans la peur du changement avec ses pertes, dans la peur de la révolution, dans la peur de l'incertitude. Nous avons construit des murs innombrables derrière lesquels nous cherchons la sécurité et le confort, mais la peur continue de ronger nos cœurs et nos esprits. Alors, nous sommes continuellement à la recherche de substitutions.

Nous disons : « telle croyance s'est révélée être sans valeur, alors je vais me tourner vers telle autre série de croyances, vers une autre série d'idées, vers une autre philosophie ».

Notre doute ne fait qu'aboutir à une substitution et non à la REMISE EN QUESTION de la nature de la croyance elle-même. Ce n'est pas le doute qui dirige notre action, mais le désir de sécurité.

Notre soi-disant recherche de la Vérité devient simplement une recherche de sécurité plus permanente, et nous acceptons pour instructeur, guide, autorité, toute personne qui offre de nous donner une sécurité absolue.